La situation actuelle de tension d’EDF pousse ses anciens dirigeants à mettre les pieds dans le plat, notamment le plat politicien.
Henri Proglio, dirigeant de 2009 à 2014, a procédé à un grand déballage lors de son audition par la commission d’enquête créée pour l’avenir de la filière nucléaire.
Lorsqu’il prend la tête de l’entreprise publique, raconte-t-il, « EDF est exportateur d’énergie, a les prix les moins chers d’Europe (deux fois et demie moins chers que l’Allemagne) et un contrat de service public qui fait référence dans le monde, et donne à la France un atout formidable en matière d’émissions de gaz à effet de serre.
Il n’y avait plus qu’à tout détruire : c’est chose faite ! »
« L’Allemagne a choisi l’industrie comme axe majeur de son économie, puis a tenté une transition énergétique, axée sur la sortie du nucléaire et le développement des renouvelables. Cela s’est terminé par un désastre absolu, les énergéticiens allemands étaient ruinés, totalement vulnérables », détaille l’ancien patron d’EDF.
« Comment voulez-vous que ce pays accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF à sa porte ? L’obsession allemande depuis trente ans, c’est la désintégration d’EDF. Ils ont réussi. »
Avec la complicité de l’Europe, accuse-t-il, qui « a pris comme axe idéologique unique la concurrence »… Et celle des gouvernements français.
Proglio cible les responsables politiques en rafale. La loi Nome, votée en 2010, qui imposait à EDF de subventionner ses concurrents en leur vendant à prix cassé un quart de son électricité ? « Une mesure inique, destinée à casser EDF et prise sous la pression bruxello-allemande », dénonce-t-il. « Ça a très bien fonctionné, les concurrents d’EDF sont devenus riches. » Pas les Français : pour compenser les pertes, EDF a augmenté ses tarifs, révèle-t-il. Des propos qui font écho à ceux de son prédécesseur à la tête d’EDF (de 2004 à 2009) Pierre Gadonneix, auditionné une semaine plus tôt par la même commission, qui avait dénoncé « une monstruosité », en grande partie responsable de la lente dégradation d’un parc nucléaire français privé d’investissements, et de toute perspective.
Henri Proglio raconte avoir assisté « à la recherche pathétique d’un accord électoral avec un parti antinucléaire » (EELV) qui a conduit, pendant la campagne de 2012, « à la fermeture annoncée de 28 réacteurs ». Seule la centrale de Fessenheim sera fermée. Il raconte comment « une théorie absurde » lui a été « imposée à l’époque par les pouvoirs publics : la théorie de la décroissance électrique. Il était de bon ton d’accepter l’idée de considérer que la consommation d’électricité allait diminuer en France », s’étonne-t-il, quand tous les indicateurs montraient précisément l’inverse. « N’importe quel artisan boulanger aurait eu plus de bon sens », attaque-t-il.
« D’où vient l’objectif de réduire la part de nucléaire à 50 % du mix électrique ? » demande le président (LR) de la commission, Raphaël Schellenberger. « Pourquoi ce chiffre ? » Réponse de Proglio, lapidaire : « C’est complètement au doigt mouillé. Totalement ! Personne n’a jamais estimé autrement que comme ça. On n’a d’ailleurs jamais su d’où viendraient les autres 50 %. »
Henri Proglio révèle le teneur d’une conversation qu’il aura, au cours de son mandat, avec la chancelière allemande Angela Merkel. « Elle m’a dit qu’elle croyait totalement au nucléaire. Mais elle devait bâtir un accord de coalition avec les Verts conservateurs. Elle me l’a dit : elle a lâché le nucléaire pour des raisons politiques ! » Et de conclure par ces propos amers, dans un silence presque gêné : « L’Allemagne est consciente de ses propres enjeux et de ses propres intérêts. » Contre « le sacrifice d’EDF », la France, elle, « n’a rien négocié ».
A quand la mise en responsabilité de tout ces politiciens qui sacrifient l’avenir de la France à des jeux de court terme ?